Une missionnaire polonaise gère un hôpital et un centre de nutrition dans le Nord-Kivu

Le sens concret de l’Evangile

 Le sens concret  de l’Evangile  FRA-030
25 juillet 2024

Les opérateurs humanitaires ont été évacués depuis longtemps, tandis que les missionnaires continuent à travailler parce que les gens ont besoin d’elles. «Nous ne partirons pas sans les personnes dont nous nous occupons», a affirmé sœur Agnieszka Gugała. Cette missionnaire polonaise travaille au Nord-Kivu, où l’une des guerres les plus sanglantes d’Afrique fait rage depuis près de trente ans.

Sœur Agnieszka est arrivée en Afrique il y a 20 ans. Comme elle le rappelle, elle a ressenti sa vocation missionnaire dès le lycée. «On pourrait dire que ce sont les missions qui m’ont conduite à la Congrégation des Sœurs des Anges», avoue-t-elle Les premières années de sa vie religieuse, elle a enseigné la catéchèse dans des écoles et s’est occupée d’enfants et de jeunes. Elle a reçu la permission d’aller en Afrique après avoir prononcé ses vœux perpétuels. Elle s’est d’abord rendue au Rwanda, puis en République démocratique du Congo. Depuis une dizaine d’années, elle dirige un hôpital et un centre de nutrition pour enfants dans le village de Ntamugenga. La missionnaire plaisante en disant qu’elle est l’homme de la maison: ses tâches vont de l’achat du robinet, du savon et des médicaments, au paiement du personnel, à la réparation du toit et à la recherche de casseroles et de matelas pour les réfugiés, jusqu’aux voyages risqués à Goma, la seule ville de la région où elle peut se procurer les médicaments, la nourriture et le lait nécessaires aux enfants qui ont perdu leur mère. Au cours de ces expéditions, elle doit passer plusieurs postes de contrôle aux mains des rebelles. Dans presque tous, elle doit négocier pour pouvoir mener son œuvre à bien.

Des matières premières couvertes de sang

Les années de travail de sœur Agnieszka au Nord-Kivu sont marquées par les conflits qui se succèdent et, bien qu’ils s’estompent, ne cessent jamais. «Tant que les enfants seront témoins de crimes et devront interrompre leurs études, il n’y aura pas de paix dans ce pays», affirme la missionnaire, à laquelle l’avenir des plus jeunes tient à cœur. La région est déstabilisée par plus d’une centaine de groupes différents qui tentent de prendre le contrôle des gisements de cobalt, de coltan et de niobium nécessaires à la fabrication de téléphones portables. Ils sont plus précieux que l’or et les diamants, que les rebelles pillent également. La population civile souffre le plus, et ne voit pas une miette de ces richesses que recèle leur terre. Les gens sont obligés de quitter leurs maisons et leurs champs à cause de la violence. Le Congo compte plus de 5,6 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays.

Les opérations de maintien de la paix de l’onu, dont le coût pour une année dépasse le revenu national de tout le Congo, ne sont pas en mesure de changer la situation.

Les missionnaires n’interfèrent pas dans la politique, mais tentent de s’attaquer à la grave crise humanitaire qui détruit le Nord-Kivu. «Chaque jour, les personnes meurent de faim et à cause de maladies les plus courantes. Notre présence encourage les personnes et assure leur sécurité. Elles nous appellent “nos sœurs”, ce qui signifie que nous sommes très proches d’eux», explique sœur Agnieszka.

Fragile dans son aspect physique, dans les conditions de la guerre, elle est un point de repère pour des milliers de personnes dans le besoin. Elle est courageusement soutenue par deux sœurs du Rwanda et du Congo. «Nous ne vivons que grâce à la Providence de Dieu, les bombes tombaient autour de notre monastère, à quelques mètres près nous serions mortes. On nous apportait les blessés, les murs étaient couverts de sang», raconte-t-elle à propos d’un des affrontements de la région.

«D’autres réfugiés sont arrivés à la mission et l’hôpital dirigé par les sœurs, qui essayait d’accueillir 5000 patients, dont de nombreux blessés, était surchargé. Actuellement, le front s’est éloigné de la mission, mais la situation reste très mouvementée».

Le monastère comme lieu d’asile

Les missionnaires sont un point de référence, en particulier pour les femmes ayant des enfants qui, au premier signe de danger, se réfugient dans leur monastère. Lorsque la situation est plus calme, sœur Agnieszka fait des provisions et tente d’obtenir le plus d’aide possible de l’étranger. Sa clairvoyance lui a souvent permis de sauver des vies. «Dans des circonstances normales, obtenir une assistance médicale relève du miracle, mais lorsque la situation s’aggrave, cela devient impossible», explique la missionnaire. Les sœurs des Anges gèrent un point de ravitaillement qui fonctionne sans interruption malgré le conflit. «Près de la moitié des enfants de moins de cinq ans de cette région souffrent de malnutrition chronique. La tuberculose et le paludisme restent un défi majeur. Cette dernière est la maladie qui tue le plus ici» a confié sœur Agnieszka.

Interrogée sur les rêves des missionnaires, comme de nombreux habitants de la région, elle répond: «Une paix durable. Cette terre est fertile et les gens pourraient y vivre en sécurité et dans la dignité», a déclaré la missionnaire. Cependant, comme si les malheurs subis jusqu’à présent ne suffisaient pas, les djihadistes de l’Etat islamique, qui viennent de l’Ouganda voisin, commencent à faire sentir leur présence dans la région. Les nouvelles sur les massacres de personnes sans défense et les viols de femmes et d’enfants se multiplient. La missionnaire nous rappelle l’appel du Pape François à ne pas toucher à l’Afrique. Elle souligne que la visite du Pape au Congo a été l’occasion de mettre en lumière cette région oubliée du monde et d’y acheminer l’aide humanitaire si nécessaire. Avec d’autres sœurs des Anges, elle demande des prières pour qu’elles aient la force et la santé pour continuer leur mission.

#sistersproject

Beata Zajączkowska