Nous sommes le 2 février 1971, en pleine campagne du Brabant Wallon, en Belgique. Ce jour-là, de nombreuses personnes se sont rassemblées sur une vaste plaine. Parmi la foule, une haute silhouette se démarque, celle du roi Baudoin. A côté de lui se trouve le cardinal Léon-Joseph Suenens, archevêque de Malines-Bruxelles. Le souverain préside la cérémonie de pose de la première pierre d’une ville nouvelle et prometteuse appelée Louvain-la-Neuve. Une présence qui a une haute valeur symbolique: comme souvent dans l’histoire belge, la figure du monarque est la garante de l’unité nationale dans un pays historiquement divisé en deux régions linguistiques, culturelles et confessionnelles. Un dualisme qui se cristallise à la fin des années 1960 dans ce qu’on appelle «l’Affaire de Louvain», qui conduira à la chute du gouvernement de Paul Vanden Boeynants, à l’issue de laquelle se séparent les sections de langue française et flamande de l’Université catholique de Louvain, dans le Brabant flamand, l’une des plus anciennes d’Europe. En effet, en juin 1968, après des mois de tensions, le projet de transfert de la section francophone est approuvé. Deux ans plus tard, avec la loi du 28 mai 1970, deux entités distinctes à statut universitaire sont créées: l’ ucl ouvain, pour la Wallonie, et la ku Leuven pour la Flandre. Les étudiants fla-mands restent donc sur le site historique de Louvain tandis que les étudiants francophones s’installent sur deux nouveaux sites à créer: l’un situé en périphérie de Bruxelles, l’autre précisément sur les neuf cents hectares de terrain mis à disposition par la Couronne, pour construire la ville de Louvain-la-Neuve.
Au début des années 1970, le site n’est qu’une vaste étendue de prairie. Il est donc décidé de créer une ville universitaire et une série de bâtiments sur le modèle d’un village médiéval, avec des rues piétonnes, non rectilignes, afin de con-server une dimension humaine et — dit-on — pour permettre aux jeunes d’éviter la police plus facilement lors des manifestations étudiantes de l’époque. Le plan d’urbanisme comprend les grands axes, la localisation des différentes facultés (théologie, sciences humaines, physique, etc.) et les logements étudiants. Dans les projets originaux, il n’y a aucune trace d’édifices religieux: la célébration eucharistique a lieu d’abord dans la maison des sœurs de l’Annonciade, puis dans une école et enfin dans un local mis à disposition au-dessus de la Poste. Il faudra attendre la seconde moitié des années 1970 pour voir émerger les premiers clochers, grâce à la détermination d’un homme, l’abbé Raymond Thysman. Fort de son expérience antérieure au contact des jeunes dans ce qui était alors le Zaïre, c’est lui qui donne l’impulsion à la fondation des différentes paroisses de Louvain-la-Neuve. Aujourd’hui, trois édifices religieux retiennent l’attention du visiteur: la chapelle de la Source, construite entre 1975 et 1977, l’église Saint-François-d’Assise, con-sacrée en 1984 par le cardinal Godfried Danneels, et l’église Notre-Dame d’Espérance, située dans un quartier habité majoritairement par des familles et des personnes âgées qui, elles aussi, sont venues peu à peu peupler la ville.
Aujourd’hui, à Louvain-la-Neuve, la vie de foi des étudiants catholiques est prise en charge principalement par les responsables de la pastorale universitaire de l’ ucl ouvain. Le rendez-vous immanquable est la messe des étudiants du mercredi soir, une tradition qui remonte aux années 1970. Une centaine de jeunes au minimum participe à la célébration eucharistique, suivie généralement d’un dîner, explique à L’Osservatore Romano le père Eric Mattheeuws. La messe du mercredi 25 septembre, à la paroisse Saint-François-d’Assise, s’est déroulée dans une ambiance très particulière, raconte le prêtre belge: «on sentait un grand enthousiasme — parmi les jeunes présents mais aussi au sein de la communauté des prêtres et des religieux — en vue de la visite du Pape François dans leur ville, l’un des sujets les plus commentés ces derniers jours par la communauté étudiante, et pas seulement par les catholiques». «En ce qui nous concerne, nous autres responsables de la pastorale universitaire, cette visite représente une opportunité et suscite une nouvelle énergie. Nous sommes émus au plus profond de nous-mêmes. Plus généralement, chacun ressent davantage l’importance de sa foi», affirme le père Mattheeuws. Une foi qui peut s’exprimer de multiples manières à Louvain-la-Neuve. Deux fois par mois, après la Messe du mercredi, des cours de formation chrétienne sont organisés, destinés notamment aux jeunes qui se préparent au Baptême ou à la Confirmation. «Pour certains, il s’agit d’une véritable redécouverte de la foi chrétienne», souligne le prêtre. Il existe ensuite des «Chemins pour approfondir la foi», fréquentés principalement par des universitaires qui connaissent déjà bien les enseignements de l’Eglise mais qui cherchent des réponses à leurs questions fondamentales. «Ce qui est formidable, c’est que ces étudiants peuvent compter sur un réseau dense de congrégations et communautés religieuses: dominicains, jésuites, membres de la Communauté de l’Emmanuel ou de la Fraternité de Tibériade», souligne notre interlocuteur. De nombreux religieux n’hésitent pas à se rendre en personne dans les kots, ces logements d’étudiants typiques en Belgique, en particulier à Louvain-la-Neuve, pour accompagner des groupes de jeunes qui sou-haitent démarrer un kot-à-projet, c’est-à-dire une initiative habituellement dédiée aux œuvres de solidarité.
Charles de Pechpeyrou