Le projet du Global Solidarity Fund en Ethiopie

Un avenir différent pour

 Un avenir différent pour   FRA-049
07 décembre 2023

Des femmes et des hommes déplacés, des personnes revenues après avoir émigré, des réfugiés d'autres pays et des personnes vulnérables sont les bénéficiaires du projet pilote lancé fin 2020 à Addis-Abeba par le Global Solidarity Fund (Gsf), en coopération avec différentes congrégations religieuses féminines et masculines. Le projet vise à collaborer avec des entreprises privées, des institutions et des organisations internationales pour renforcer l'engagement des congrégations en vue d’améliorer la vie des personnes vulnérables. Le phénomène des rapatriés est assez récent: il s'agit d'Ethiopiens qui ont émigré au Yémen et qui reviennent en raison du conflit en cours dans ce pays, mais surtout d'Ethiopiens contraints au retour par les pays arabes du Golfe, l'Arabie saoudite en tête, en raison des mesures gouvernementales prises à l'encontre des migrants en situation irrégulière.

Presque tous reviennent dépourvus de tout. Le gouvernement éthiopien leur donne une petite somme d'argent pour rentrer chez eux, mais beaucoup restent dans la capitale Addis-Abeba. Ils rejoignent ainsi les nombreuses personnes déplacées à l'intérieur du pays qui quittent les zones rurales pour améliorer leur vie et trouver du travail en ville. Il y a aussi les «enfants des rues», plus de 60.000 à Addis-Abeba, qui viennent de tout le pays, dorment dans des bouches d'égout ou sous des ponts, volent leur nourriture, sniffent de la colle et sont parfois contraints de se prostituer pour survivre.

Le père Petros Berga, responsable de la commission socio-pastorale de l'archidiocèse d'Addis-Abeba qui coordonne le projet Gsf et qui est également visiteur apostolique des catholiques éthiopiens en Europe, raconte qu'à l'aéroport, à 3 km du centre de formation San Michele, arrivent des personnes expulsées d'Arabie saoudite et emprisonnées deux ans pour avoir acheté de la nourriture au Yémen, une zone de guerre. «Ils arrivent traumatisés, explique-t-il. Nous en accueillons autant que possible et nous essayons de leur redonner une vie grâce à la formation».

Parmi les personnes déplacées de la campagne éthiopienne ou du Tigré, figurent de nombreuses jeunes femmes. Agées de 18 à 25 ans, elles arrivent souvent enceintes, à leur septième ou huitième mois de grossesse, d’un enfant non désiré. Les Missionnaires de la charité de sainte Teresa de Calcutta les accueillent, leur offrent une assistance gratuite à l'accouchement dans la Maison de la Charité d'Addis Abeba, où elles accouchent de leur enfant et restent ensuite pendant trois mois. Les missionnaires donnent aux jeunes femmes des conseils sur la manière de s'occuper de leur petit. Certaines ne veulent pas garder leur bébé, mais les religieuses tentent de les accompagner dans un parcours de sensibilisation et de préparation à la maternité qui conduit presque toujours les jeunes femmes à accepter cette grossesse inattendue. Les religieuses et les travailleurs sociaux essaient ensuite de comprendre les intérêts et talents de leurs hôtes, et les envoient dans deux centres, créés grâce au projet intercongrégationnel du Gsf, où elles vivent, avec leurs bébés, pendant la période de formation.

Selon leurs intérêts, elles suivent des cours de stylisme, de cuisine, d'aide-ménagère ou d'informatique au Mary Help College des sœurs salésiennes, les Filles de Marie Auxiliatrice, ou encore de travail du cuir, de fabrication de meubles ou de graphisme chez les salésiens du Don Bosco Children Centre, ou de confection de vêtements au Sitam College des sœurs ursulines. Les 38 jeunes mères hébergées au centre Nigat des Missionnaires de la charité avec leurs enfants «sont pour la plupart inscrites au cours de stylisme du Mary Help College» — explique Girma Anto Muane, responsable du projet Gsf chez les Missionnaires de la charité — «et lorsqu'elles sont en cours, nous gardons leurs enfants». Grâce à la formation reçue, elles trouvent assez vite du travail dans les petites entreprises de confection d'Addis-Abeba, qui ont un grand besoin de main-d'œuvre qualifiée. Le problème est de trouver un logement, car les loyers sont souvent trop élevés par rapport aux salaires. «Nous les aidons à trouver un logement à trois ou quatre, et nous les aidons à payer le loyer» poursuit Girma Anto Muane.

Sememu Hibistu migrante interne arrivée de Debra Marcos à 300 kilomètres au nord-ouest d'Addis-Abeba, a trouvé un logement avec d'autres ouvrières près de l'entreprise où elle travaille. Chaque déplacement est plus difficile pour elle, car elle a perdu une jambe à la suite d'une infection alors qu'elle n'avait que 11 ans. Derartu Karle, originaire de Metu, dans l'Oromia, à 500 kilomètres au sud-ouest de la capitale, et titulaire d'un diplôme en gestion du tourisme, a demandé l'aide des sœurs de Mère Teresa après avoir subi des violences et être tombée enceinte. Cette année, elle a obtenu un certificat en informatique après avoir suivi un cours au Mary Help College. Elle travaille depuis quelques temps comme encodeuse de données dans une école de beauté à Lewi et vit au centre Nigat avec sa petite fille. Endashaw Tesfaye est, lui, venu chercher du travail à Addis-Abeba depuis Sodo, dans le Wolayta au sud de l'Ethiopie. Grâce aux Missionnaires de la charité et au projet Gsf, il a étudié la soudure au Centre Mekkanissa des salésiens de Don Bosco et il est aujourd'hui superviseur dans un laboratoire. Il vit seul, jongle pour payer son loyer, mais regarde l'avenir avec confiance.

L'autre centre de formation des religieux salésiens inclus dans ce réseau de congrégations est le Centre des Enfants de Don Bosco, qui accueille des migrants, des déplacés internes et des enfants des rues, que le père Angelo Regazzo, l'économe de la communauté salésienne, vient chercher presque tous les matins dans son minibus, dans le cadre du programme de premier contact «Come and see». «Les migrants et les enfants n'ont pas d'argent pour aller à l'école ou se former», explique le -père Yohannes Menghistu, directeur de la communauté salésienne, et «ici, ils peuvent étudier du matin jusqu'à trois heures de l'après-midi. Auparavant, nous ne pouvions que leur donner un certificat et les aider à trouver du travail, aujourd’hui, grâce au projet du Gsf, ils ont beaucoup plus de possibilités d'emploi dans les entreprises et peuvent également être aidés à ouvrir leur propre entreprise».

Au sein de ce consortium unissant cinq congrégations, le Service jésuite des réfugiés ( sjr ) est chargé de la formation commerciale. Mais le sjr s'occupe aussi et surtout de l'accueil des réfugiés qui viennent des camps de réfugiés de la banlieue d'Addis-Abeba. Ils les accueillent dans leur centre au cœur de la capitale, où nous rencontrons Alemu Nisrane, responsable du projet Gsf pour le sjr. «Les réfugiés y trouvent des soins de santé d'urgence, de la nourriture, des activités récréatives, une formation initiale et des cours informels d'anglais, d'informatique, de musique. Nous leur proposons ensuite de s'inscrire à des formations professionnelles dispensées par les autres membres du consortium, comme le Mary Help College des sœurs salésiennes, les centres Don Bosco et Mekkanissa, et le Sitam des ursulines» explique Alemu Nisrane. «Pour ce qui est de la formation entrepreneuriale et de l'auto-emploi, nous nous en occupons au sjr».

Le projet pilote, espère le consortium, devrait maintenant se transformer en un projet définitif et structuré «afin que nous puissions aider les personnes qui viennent à nous de manière très systématique», explique le père Petros Berga. Ils envisagent «un point de coordination unique pour tous ceux qui viennent à nous», un centre d'accueil afin que les migrants qui viennent à nous puissent savoir, étape par étape, ce qui est nécessaire pour suivre le processus de formation. L'emplacement de ce point d'accueil est également en cours de préparation, sur un terrain situé à quelques mètres de l'archevêché catholique d'Addis-Abeba et de la cathédrale de la Nativité de la Vierge Marie. Il sera situé dans un centre de formation dédié à saint Jean-Paul ii, et abritera également de nouveaux cours de production multimédia, d'installation de panneaux solaires, de soins à domicile et de soins infirmiers.

#VoicesofMigrants

d’Addis-Abeba
Alessandro Di Bussolo