Entretien avec le cardinal Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem

«Moment décisif» pour l’issue du conflit

 «Moment décisif»  pour l’issue du conflit  FRA-034
22 août 2024

«Les perspectives sont encourageantes», déclare le cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem, dans une interview accordée aux médias du Vatican concernant les résultats des négociations de Doha sur le cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Les pourparlers devraient reprendre dans quelques jours au Caire. Pendant ce temps, la violence se poursuit sur les différents fronts.

Un optimisme voilé s'échappe de Doha où se déroulent les négociations promues par les Etats-Unis, l'Egypte et le Qatar, en vue de la conclusion d'une trêve à Gaza et de la libération des otages israéliens. Pensez-vous que cette fois-ci, l'objectif peut être atteint?

Oui, je pense que les meilleures conditions sont actuellement réunies pour parvenir à un accord. Bien sûr, il y aura toujours des opposants, il y a beaucoup d'obstacles, mais je crois que les conditions sont mûres pour que cette phase de la guerre puisse enfin être conclue et donc pour éviter une escalade, une exten-sion du conflit avec l'intervention directe de l'Iran et l'extension de la guerre au Liban. Je le répète, les difficultés sont nombreuses, mais je crois qu'il y a aussi un effort impressionnant de la part des médiateurs, mais aussi des Etats-Unis, pour mettre un terme à cette situation. Les perspectives sont prometteuses.

En conséquence, peut-on espérer que la menace d'une intervention iranienne contre Israël s’éloigne?

Oui. Il ne faut pas se faire d'illusions. Le conflit n'est pas terminé, nous le voyons bien à Gaza avec les bombardements continus, avec la tragédie qui est sous les yeux de tous et qui nous laisse toujours sans voix.

Les bombardements à Gaza se poursuivent sans relâche. Entre-temps, selon le Hamas, le cap tragique des 40.000 Palestiniens tués à Gaza depuis le 7 octobre a été franchi le 15 août. Comment la communauté chrétienne de Gaza vit-elle cette situation?

Notre petite communauté au nord de Gaza, dans la ville de Gaza, essaie de vivre cette situation dans les meilleures conditions et le plus sereinement possible, malgré les difficultés. Nous essayons activement d'aider la population grâce à l'aide que nous parvenons à obtenir non seulement des Chevaliers de l’Ordre de Malte, mais aussi de nombreuses autres associations, la plus récente étant celle de l'Eglise mennonite qui a envoyé plus d'un millier de colis. C’est très beau de voir que dans cette situation très grave et tragique, il y a aussi beaucoup de solidarité.

Alors que toute l'attention des médias se porte sur Gaza et la frontière avec le Liban, la situation en Cisjordanie devient chaque jour plus grave et plus alarmante. Quels signaux vous parviennent de ces régions?

Nous parlons beaucoup de Gaza, à juste titre, mais la situation est également très grave dans les territoires, en Cisjordanie. Il y a quelques jours, un pogrom a été perpétré par un certain nombre de colons contre un village palestinien, faisant un mort et de nombreux dégâts. Ce n'est que le dernier épisode d'une série d'événements qui, au cours des derniers mois, ont caractérisé la tension continue et croissante dans toute la Cisjordanie; tensions, affrontements continus entre colons et Palestiniens, même avec la présence des forces armées israéliennes... Des tensions continues, qui rendent la vie de la population palestinienne de plus en plus difficile. Le risque d'explosion est là, c'est pourquoi il faut beaucoup travailler, d'abord pour un cessez-le-feu à Gaza et ensuite pour rétablir l'ordre, la sécurité et la vie ordinaire — pour autant que l'on puisse parler de vie ordinaire — dans l'ensemble de la Cisjordanie.

Nous devons tourner la page. Ce n'est pas facile. Ce que nous voyons en Cisjordanie est un exemple palpable et concret de la façon dont la haine, le ressentiment, le mépris ont conduit à des formes de violence de plus en plus extrêmes et de plus en plus difficiles à contenir. Nous devons donc travailler dur, non seulement sur le plan politique, mais aussi sur le plan religieux, parce que la toile de fond de cette violence est aussi religieuse, pour faire en sorte que ces fauteurs de troubles, ces extrémistes, soient écartés, isolés et n'aient pas toute la force qu'ils ont aujourd'hui. (roberto cetera)