Entretien avec Mgr Paglia

Une conversion spirituelle est nécessaire pour construire la paix

 Une conversion spirituelle est nécessaire pour construire la paix  FRA-035
29 août 2024

Une paix qui se bâtit en prenant à cœur les souffrances des autres, qui naît d'une conversion spirituelle grâce à la redécouverte de l'Evangile. Tels sont les thèmes au centre de l'interview de Mgr Vincenzo Paglia, président de l'Académie pontificale pour la vie, dans les studios de Radio Vatican-Vatican News à l'occasion du Meeting de Rimini. Il est intervenu à la table ronde «Les chemins de la paix» avec Antonio Tajani, vice-président du Conseil des ministres et ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale italien.

Pour beaucoup, le mot «paix» semble lointain. Pourtant, vous avez répété à plusieurs reprises que nous ne devions jamais renoncer à la construire, en citant les deux encycliques du Pape: «Laudato si'» et «Fratelli tutti»…

Exactement, parce que, de nos jours, ce qui manque au monde, et pas seulement en Italie et en Europe, c'est une vision. Chaque pays et chaque individu sont souvent repliés sur eux-mêmes, c'est-à-dire que le monde s'est globalisé, l'économie a envahi la planète, mais chacun est replié sur lui-même dans la recherche et la défense de ses propres intérêts ou chemins individuels. Le Pape François nous offre une vision, nous vivons dans une seule maison, la planète — Laudato si' —; nous sommes une seule famille de nombreux peuples et c'est la fraternité universelle, c'est pourquoi avoir la conviction que nous avons un seul Père de tous ces enfants est crucial pour la paix. Nous tremblons devant ce que le Pape François appelle la troisième guerre mondiale par morceaux, mais en réalité, nous sommes déjà en train de déchirer le monde, nous l'émiettons déjà avec des tragédies inimaginables: en réalité, il y a 59 guerres en cours, mais il y en a deux dont nous parlons tous les jours. Qu'est-ce qui est crucial? Je crois que nous avons besoin d'une conversion spirituelle, pour comprendre que nous sommes responsables de tous. C'est la prophétie de l'Evangile que le Pape François porte haut, mais que nous sommes si nombreux à mettre sous le boisseau.

Alors que le Pape François parle de la mondialisation de l'indifférence, qui passe aussi par l'émergence des conflits et des guerres, vous avez rappelé le concept de mondialisation de l'humanisme, c'est-à-dire d'une réalité où l'homme est au centre. Comment cela se construit-il concrètement?

Beaucoup font la guerre, mais nous pouvons tous faire la paix. Personne ne peut donc dire qu'il ne se soucie pas de la guerre en Ukraine ou qu'il ne peut rien y faire. On peut être affligé par ce qui se passe, on peut être scandalisé, mais on peut prier à ce sujet, on peut collaborer avec les nombreuses personnes qui œuvrent pour la paix ou pour la solidarité. Nous pouvons faire beaucoup de choses. Malheureusement, ce qui prévaut, c'est ce qu'un ami très cher, Giuseppe De Rita, a appelé la nouvelle religion, ou «égolâtrie»: le culte du moi sur l'autel où sont sacrifiées les affections les plus chères. Nous devons passer de cet individualisme destructeur à un «nous» fraternel. C'est la grande révolution dont parle François, et j'espère que toutes les Eglises, et pas seulement les Eglises catholiques, s'uniront. Il y a une belle phrase d'Athénagoras ier, le protagoniste de l'étreinte avec Paul vi, qui disait: «Eglises sœurs, peuples frères», si les Eglises sont divisées, comment seront les peuples? Telle est la question.

Il y a aussi un paradoxe: tant d'individualisme mais aussi d'impuissance face au mal. Où puiser pour ne pas se sentir impuissant?

De l'Evangile, qui nous dit clairement que tout est possible. Redécouvrir la Parole de Dieu comme source d'énergie historique et non abstraite. Nous, chrétiens, avons la responsabilité de changer la réalité: c'est ce que Jésus a fait, il a donné aux disciples les moyens de faire de même, et nous devons continuer dans cette voie. Avec une grande simplicité, reprenons la lecture quotidienne de l'Evangile, en l'accueillant vraiment, et cette ten-sion intérieure deviendra une réalité historique de changement.

A Rimini, il y a beaucoup de réalités différentes, même des non-catholiques qui viennent pour construire des ponts de connaissance et de rencontre: est-ce la clé?

Absolument oui, Paul vi en avait eu l'intuition en écrivant dans la première encyclique Ecclesiam suam que le chrétien est par nature universel, dans l'Eglise, dans la relation avec les chrétiens, avec les autres religions et aussi avec ceux qui ne croient pas. C'est pourquoi le Pape François souligne que la défense de l'identité requiert une ouverture, la défense de l'identité est d'être des frères universels: François d'Assise, Charles de Foucauld en sont quelques exemples. Je voudrais que nous tous, chrétiens, vivions cette tension qui est celle de Dieu.

Qu'est-ce qui est essentiel pour bâtir la paix?

Aimer et s'aimer.

Avez-vous une réflexion sur l'importance de construire la paix dans sa propre famille, dans sa propre maison: pour être des artisans de la paix, nous devons être des artisans de la paix chez nous…

Absolument, car les guerres commencent à la maison, puis deviennent dramatiques. En ce sens, la paix signifie aimer et être aimé: prenons soin les uns des autres et nous vaincrons aussi les guerres.

Massimiliano Menichetti
et Andrea De Angelis