Les talibans interdisent aux femmes afghanes de parler ou chanter en public

Elever la voix pour celles qui n’en n’ont plus

An Afghan burqa-clad woman walks with children, along a road in Kandahar on August 28, 2024. (Photo ...
05 septembre 2024

Imaginez que vous quittez votre domicile demain matin et que, sur le chemin du travail, vous n'entendez que des voix d'hommes dans la rue. L'expérience est d'autant plus singulière que vous rencontrez des femmes, comme la veille, mais aucune ne parle. Tout au plus chuchotent-elles. Imaginez alors que vous traversez un parc où une mère berce son bébé pour l'endormir, comme on s'attendrait à ce que cela se produise n'importe où dans le monde. Mais elle le fait en silence, sans chanter de berceuse comme le matin précédent. Ce scénario digne d'un film dystopique ou d'un conte orwellien est ce qui se passe actuellement en Afghanistan où, à travers un décret, les talibans ont décidé du jour au lendemain que non seulement le visage et le corps des femmes n'avaient plus «droit de cité» dans la vie sociale, mais aussi leur voix.

La nouvelle a été reprise par les médias internationaux, mais elle n'a malheureusement pas eu l'écho qu'elle méritait et — à ce jour — n'a pas suscité de protestations retentissantes et de mouvements de masse comme c'est le cas, à juste titre, pour tant d'autres questions et batailles civiles. Pourtant, nous devrions tous être choqués et indignés par une telle décision, car mutiler la voix d'une femme est un acte d'une violence inouïe qui ne peut que blesser l'ensemble de la communauté humaine, au-delà de toute appartenance religieuse, ethnique ou culturelle. Si nous sommes vraiment «membres les uns des autres», comme en témoigne et nous le rappelle chaque jour le Pape François, alors nous ne pouvons rester indifférents, car ces petites filles, ces Afghanes, sont aussi les nôtres. Et nous devons élever nos voix pour celles qui, aujourd'hui, n'ont plus de voix.

Il y a tout juste trois ans, le 31 août, les troupes américaines achevaient précipitamment leur retrait d'Afghanistan et les talibans reprenaient le pouvoir. Depuis, pour les femmes de ce pays d'Asie, un cauchemar qui semble ne pas avoir de fin a commencé, mais qui était en même temps absolument prévisible: d'abord l'exclusion des filles de plus de 12 ans des écoles (quoi de plus cruel que de voler l'avenir d'une génération?), puis la spoliation progressive de tous leurs droits fondamentaux. Et à présent, l'effacement de leur voix en public. Dans un système médiatique parfois distrait par une actualité qui ne laisse pas de temps pour se retrouver, nous devrions tous nous rappeler qu'il y a des millions de femmes à qui l'on a interdit de parler, de chanter. Des femmes qui, en 2024, se sont vues retirer leur voix et, avec elle, l'espoir de vivre dans un monde meilleur.

Alessandro Gisotti