Dans un message au G20 de Rio de Janeiro le Saint-Père relance la proposition d’un fonds global financé par l’argent issu des dépenses militaires

Qui provoque la faim et la mort par avidité commet un homicide

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21 novembre 2024

Ceux qui, «par avidité» provoquent «la faim et la mort de leurs frères et sœurs en humanité commettent indirectement un homicide». C’est ce qu’a répété le Pape François, en citant le Catéchisme de l’Eglise catholique, dans un message envoyé aux participants au sommet du G20 présidé par le Brésil, en cours à Rio de Janeiro. Nous publions une traduction du texte pontifical, lu le lundi 18 novembre, par le cardinal-secrétaire d’Etat Pietro Parolin, présent aux travaux.

A son Excellence
Luiz Inácio Lula da Silva,
Président de la République fédérative du Brésil

Je voudrais vous féliciter pour votre rôle de président du Groupe des 20, qui représente les plus grandes économies du monde. Je salue également cordialement toutes les personnes présentes à ce sommet du G20 à Rio de Janeiro. J’espère sincèrement que les débats et les résultats de cet événement contribueront à promouvoir un monde meilleur et un avenir prospère pour les générations à venir.

Comme je l’ai écrit dans ma Lettre encyclique Fratelli tutti, «la politique mondiale ne peut se passer de classer l’éradication efficace de la faim parmi ses objectifs primordiaux et impérieux. En effet, “lorsque la spéculation financière conditionne le prix des aliments, en les traitant comme une marchandise quelconque, des millions de personnes souffrent et meurent de faim. De l’autre côté, on jette des tonnes de nourriture. Cela est un véritable scandale. La faim est un crime. L’alimentation est un droit inaliénable”. Souvent plongés dans des discussions sémantiques ou idéologiques, nous permettons qu’il y ait encore aujourd’hui des frères et des sœurs qui meurent de faim ou de soif (n. 189).

Toutefois, dans le contexte d’un univers mondialisé confronté à une multitude de défis interconnectés, il est essentiel de reconnaître les pressions significatives qui s’exercent actuellement sur le système international. Ces pressions se manifestent sous diverses formes, notamment l’intensification des guerres et des conflits, les activités terroristes, les politiques étrangères autoritaires et les actes d’agression, ainsi que la persistance des injustices. Il est donc de la plus haute importance que le Groupe des 20 identifie de nouvelles voies pour parvenir à une paix stable et durable dans toutes les zones de conflit, avec l’objectif de restaurer la dignité des personnes affectées.

Les conflits armés dont nous sommes actuellement témoins ne sont pas seulement responsables d’un nombre important de morts, de déplacements massifs et de la dégradation de l’environnement; ils contribuent également à l’augmentation de la famine et de la pauvreté, à la fois directement dans les régions touchées et indirectement dans les pays situés à des centaines ou des milliers de kilomètres des zones de conflit, en particulier en raison de la perturbation des chaînes d’approvisionnement. Les guerres continuent d’exercer une pression considérable sur les économies nationales, en particulier en raison des sommes d’argent exorbitantes dépensées pour les armes et les armements.

Par ailleurs, il existe un para-doxe important en termes d’accès à la nourriture. D’un côté, plus de 3 milliards de personnes n’ont pas accès à un régime alimentaire nutritif. De l’autre, près de 2 milliards d’individus sont en surpoids ou obèses en raison d’une mauvaise alimentation et d’un style de vie sédentaire. Cela nécessite un effort concerté pour s’engager activement en vue d’un changement à tous les niveaux et réorganiser les systèmes alimentaires dans leur ensemble (cf. Message pour la Journée mondiale de l’alimentation 2021).

En outre, il est très préoccupant que la société n’ait pas encore trouvé le moyen de répondre à la situation tragique de ceux qui sont confrontés à la faim. L’acceptation silencieuse de la famine par la société humaine est une injustice scandaleuse et une grave offense. Ceux qui, par des pratiques usurières et l’avidité, provoquent la faim et la mort de leurs frères et sœurs en humanité commettent indirectement un homicide qui leur est imputable (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2269). Aucun effort ne devrait être épargné pour sortir les gens de la pauvreté et de la faim.

Il est important de garder à l’esprit que le problème de la faim n’est pas uniquement une question de manque de nourriture; il s’agit plutôt d'une conséquence d’injustices sociales et économiques plus larges. La pauvreté, en particulier, est un facteur important qui contribue à la faim, perpétuant un cycle d’inégalités économiques et sociales qui sont largement répandues dans notre société mondiale. La faim et la pauvreté sont inextricablement liées.

Il est donc évident qu’une action immédiate et décisive est nécessaire pour éradiquer le fléau de la faim et de la pauvreté.

Une telle action doit être entreprise de façon commune et collaborative, avec la participation de toute la communauté internationale. La mise en place de mesures efficaces exige un engagement concret de la part des gouvernements, des organisations internationales et de toute la société. La centralité de la dignité humaine donnée par Dieu à chaque personne, l’accès aux biens essentiels et la répartition équitable des ressources doivent être des priorités dans tous les agendas politiques et sociaux.

De plus, l’éradication de la malnutrition ne peut être obtenue uniquement en augmentant la production mondiale de nourriture. En effet, il y a déjà assez de nourriture pour nourrir toute la population de notre planète; simplement, elle n’est pas distribuée de façon équitable. Il est donc essentiel de reconnaître le volume important de nourriture qui est gaspillé chaque jour. Affronter le gaspillage de nourriture est un défi qui requiert une action commune. De cette façon les ressources peuvent être redirigées vers des investissements qui aident les pauvres et les personnes souffrant de la faim à satisfaire leurs besoins fondamentaux. Il est en outre également nécessaire de mettre en place des systèmes alimentaires qui sont durables d’un point de vue environnemental et bénéfiques pour les communautés locales.

Il est évident qu’une approche intégrée, globale et multilatérale est cruciale pour affronter ces défis. Etant donné l’ampleur et la portée géographique du problème, les solutions à court-terme sont insuffisantes. Une vision et une stratégie à long-terme sont nécessaires pour lutter de façon efficace contre la malnutrition. Un engagement soutenu et cohérent est essentiel pour atteindre cet objectif, et il ne doit pas dépendre de circonstances immédiates.

C’est pourquoi je forme le vœu que l’Alliance globale contre la faim et la pauvreté pourra avoir un impact significatif sur les efforts mondiaux en vue de combattre la faim et la pauvreté. Cette Alliance pourrait commencer par mettre en œuvre la proposition faite depuis longtemps par le Saint-Siège, appelant à réorienter les fonds actuellement al-loués aux armes et autres dépenses militaires vers un fonds mondial destiné à lutter contre la faim et promouvoir le développement dans les pays les plus pauvres. Cette approche permettraient aux habitants de ces pays à ne pas recourir à des solutions violentes ou trompeuses ou à devoir quitter leurs pays en quête d’une vie plus digne (cf. Lettre encyclique Fratelli tutti, n. 262).

Il est impératif de reconnaître que l’incapacité à assumer les responsabilités collectives de la société envers les pauvres ne devrait pas entraîner la transformation ou la révision des objectifs initiaux dans des programmes qui ignorent les véritables besoins des personnes au lieu d’y répondre. Dans ces efforts, les communautés locales, la richesse culturelle et traditionnelle des peuples ne doit pas être ignorée ni détruite au nom d’un concept étroit et à courte vue de progrès. Cela risquerait en réalité de devenir synonyme de «colonisation idéologique». Dans ce sens, les interventions et les projets devraient être planifiés et mis en œuvre pour répondre aux besoins des personnes et de leurs communautés, et non pas imposés d’en haut ou par des instances qui ne recherchent que leurs propres intérêts ou profits.

Pour sa part, le Saint-Siège continuera de promouvoir la dignité humaine et d’apporter sa contribution spécifique au bien commun, en offrant l’expérience et l’engagement des institutions catholiques présentes dans le monde, afin qu’aucun être humain, en tant que personne aimée de Dieu, ne soit privé de son pain quotidien dans notre monde.

Que Dieu tout-puissant accorde une abondance de bénédictions sur votre travail et vos efforts en vue du progrès authentique de la famille humaine tout entière.

Du Vatican, le 18 novembre 2024

François