«La speranza è una luce nella notte. Meditazioni sulla virtù umile» («L’espérance est une lumière dans la nuit. Méditations sur la vertu humble») est le titre du volume publié le 6 novembre par la Librairie éditrice vaticane (Lev), qui recueille les interventions du Pape François sur le thème de l’espérance (2024, pp. 92, 9 euros). Voici l’introduction écrite par le Souverain Pontife à l’anthologie imprimée à l’occasion du Jubilé imminent, dont la devise est «Pèlerins d’espérance».
Le Jubilé de 2025, Année Sainte que j’ai voulue consacrer au thème «Pèlerins d’espérance», est une occasion propice pour réfléchir sur cette vertu chrétienne fondamentale et décisive. Surtout à une époque comme celle que nous vivons, où la troisième guerre mondiale par morceaux qui se déroule sous nos yeux peut nous amener à adopter des attitudes de sombre découragement et de cynisme mal dissimulé.
L’espérance, en revanche, est un don et un devoir pour chaque chrétien. C’est un don parce que c’est Dieu qui nous l’offre. Espérer, en effet, n’est pas un simple acte d’optimisme, comme lorsque nous espérons parfois réussir un examen à l’université («Espérons de réussir») ou que nous espérons qu’il fera beau pour une sortie en campagne un dimanche de printemps («Espérons qu’il fasse beau»). Non, espérer, c’est attendre quelque chose qui nous a déjà été donné: le salut dans l’amour éternel et infini de Dieu. Cet amour, ce salut qui donne saveur à notre vie et qui constitue la charnière sur laquelle le monde reste debout, malgré toutes les méchancetés et les turpitudes causées par nos péchés d’hommes et de femmes. Espérer, c’est donc accueillir ce don que Dieu nous offre chaque jour. Espérer, c’est savourer l’émerveillement d’être aimé, recherché, désiré par un Dieu qui ne s’est pas enfermé dans ses cieux impénétrables, mais qui s’est fait chair et sang, histoire et jours, pour partager notre sort.
L’espérance, c’est aussi le devoir que les chrétiens ont de cultiver et de mettre à profit pour le bien de tous leurs frères et sœurs. Il s’agit de rester fidèle au don reçu, comme l’a justement souligné Madeleine Delbrêl, une Française du xxe siècle qui a su apporter l’Evangile dans les périphéries, géographiques et existentielles, du Paris du milieu du siècle dernier, marqué par la déchristianisation. Elle écrivait: «L’espérance chrétienne nous donne comme place cette étroite ligne de crête, cette frontière où notre vocation exige que nous choisissions, chaque jour et à chaque heure, d’être fidèles à la fidélité de Dieu pour nous». Dieu nous est fidèle, notre devoir est de répondre à cette fidélité. Mais attention: cette fidélité, ce n’est pas nous qui l’engendrons, c’est un don de Dieu qui agit en nous si nous nous laissons mode ler par sa puissance d’amour, l’Esprit Saint qui agit comme un souffle d’inspiration dans notre cœur. Il nous appartient donc d’invoquer ce don: «Seigneur, accorde-moi de t’être fidèle dans l’espérance».
J’ai dit que l’espérance est un don de Dieu et un devoir pour les chrétiens. Et pour vivre l’espérance, il faut une «mystique des yeux ouverts», comme l’appelait le grand théologien Johann Baptist Metz: savoir discerner partout les preuves de l’espérance, l’irruption du possible dans l’impossible, la grâce là où il semblerait que le péché ait érodé toute confiance. Il y a quelque temps, j’ai eu l'occasion de dialoguer avec deux témoins exceptionnels d’espérance, deux pères: l’un Israélien, Rami, l’autre Palestinien, Bassam. Tous deux ont perdu leurs filles dans le conflit qui ensanglante la Terre Sainte depuis de trop nombreuses décennies. Pourtant, au nom de leur douleur, de la souffrance ressentie à la mort de leurs deux petites filles — Smadar et Abir — ils sont devenus amis, voire frères: ils vivent le pardon et la réconciliation comme un geste concret, prophétique et authentique. Les rencontrer m’a donné beaucoup, beaucoup d’espoir. Leur amitié et leur fraternité m’ont appris que la haine, concrètement, peut ne pas avoir le dernier mot. La réconciliation qu’ils vivent individuellement, prophétie d’une réconciliation plus large et plus vaste, est un signe invincible d’espérance. Et l’espérance nous ouvre à des horizons impen-sables.
J’invite chaque lecteur à faire un geste simple mais concret: le soir, avant de vous coucher, en repassant les événements que vous avez vécus et les rencontres que vous avez faites, partez à la recherche d’un signe d’espérance dans la journée qui vient de s’écouler. Un sourire inattendu de la part d’une personne, un acte de gratuité observé à l’école, une gentillesse rencontrée sur le lieu de travail, un geste d’aide, même minime: l’espérance est bien une «vertu d’enfant», comme l’a écrit Charles Péguy. Et nous devons redevenir des enfants, avec leur regard étonné sur le monde, pour la rencontrer, la connaître et l’apprécier.
Entraînons-nous à reconnaître l’espérance. Nous saurons alors nous émerveiller du bien qui existe dans le monde. Et notre cœur s’illuminera d’espérance. Nous pourrons alors être des phares d'avenir pour ceux qui nous entourent.