«Je voudrais ici signaler l’hypocrisie qui consiste à parler de paix et à jouer à la guerre. Dans certains pays où l’on parle beaucoup de paix, les investissements qui rapportent le plus sont les usines d’armes. Cette hypocrisie nous conduit toujours à un échec. L’échec de la fraternité, l’échec de la paix». Les paroles prononcées par le Pape François le 25 novembre 2024, lors de la célébration du 40e anniversaire du traité de paix et d’amitié entre l’Argentine et le Chili qui mit fin à la dispute du canal de Beagle, trouvent une ultérieure et tragique confirmation dans les données publiées par le Sipri (Institut international de recherche sur la paix de Stockholm): l’industrie des armes continue de croître, le chiffre d’affaires a augmenté de 4,2% en 2023, arrivant à 632 milliards de dollars (+19% par rapport à 2015). On sait malheureusement bien à quelles autres données cette croissance est liée: le nombre de morts et de blessés militaires et civils, les villes détruites, les déplacés, l’avenir volé aux jeunes générations, les dommages environnementaux.
Cette expression, dans les paroles de l’Evêque de Rome, frappe: «jouer à la guerre». Si les guerres sont abordées, au niveau mental, comme une sorte de «jeu», qu’il soit politique ou militaire, c’est le signe que l’on a perdu la volonté de s’attaquer à la racine du conflit. L’on a perdu la volonté d’en comprendre les causes pour essayer d’y remédier. C’est le signe que l’on a perdu la valeur de la paix, l’importance du dialogue et des négociations pour régler les conflits. Par ailleurs, le jeu implique habituellement une compétition, avec un vainqueur et un perdant, ce qui ne pose aucun problème s’il s’agit d’un match de tennis ou d’une partie d’échecs. Mais si ce sont les Etats qui «jouent à la guerre», c’est l’idée même de fraternité humaine et de droit international qui est contredite.
En soulignant l’hypocrisie de ceux qui veulent tirer profit de la guerre, indifférents aux conséquences catastrophiques, le Pape François adresse un appel pressant aux consciences des responsables politiques et de tous. Il demande de cesser de développer l’industrie aux dépens des autres, de la paix, et donc aux dépens des plus vulnérables et de l’ensemble de l’humanité.
C’est un appel profondément spirituel, qui a besoin de la prière inten-se de toute l’Eglise, surtout en ce temps de l’Avent, pour demander au «Prince de la Paix» d’inspirer des pensées, des paroles et surtout des actions qui permettent de vivre la vie politique internationale de façon sérieuse, en sachant regarder plus loin, en pensant à l’avenir, aux nouvelles générations. En ayant conscience que notre monde a un extrême besoin de «compromis honorables» — comme celui signé entre l’Argentine et le Chili avec la médiation du Vatican il y a quarante ans — et non des «jeux de guerres» des puissants: «Dieu veuille que la Communauté internationale puisse faire prévaloir la force du droit par le dialogue, car le dialogue doit être l’âme de la Communauté internationale». (andrea tornielli)
Andrea Tornielli