Si l’on demandait aujourd’hui à n’importe quel Romain dans la rue quel est le signe qui lui rappelle le plus que le Jubilé va bientôt commencer, il répondrait presque certainement: les chantiers. En effet, comme ce fut le cas déjà pour l’Année Sainte 2000, le centre de la ville de Rome est parsemé de chantiers pour des travaux publics plus ou moins imposants qui auront un effet sur la circulation et la qualité de vie dans l’Urbs.
Le Pape aussi, à l’occasion de l’hommage à l’Immaculée place d’Espagne, a reconnu qu’en ce moment, les Romains affrontent des difficultés à cause des chantiers, bien que nécessaires. Mais immédiatement après, en s’adressant à la Vierge Marie, il a parlé d’autres chantiers, non visibles et pourtant non moins importants que ceux que nous rencontrons sur les places et dans les rues de la capitale. «Et il me semble entendre ta voix — a dit François — qui, avec sagesse, nous dit: “Mes enfants, ces travaux vont bien, mais faites attention: n’oubliez pas les chantiers de l’âme! Le vrai jubilé est à l’intérieur: à l’intérieur, à l’intérieur de vos cœurs — tu le dis —, dans les relations familiales et sociales. C’est là qu’il faut travailler pour préparer la voie du Seigneur qui arrive».
C’est dans le cœur que se trouve la source du Jubilé. C’est là qu’est la «porte sainte» que chacun de nous est appelé à ouvrir pour vivre pleinement cette Année, qui est un temps de grâce parce qu’il nous pousse à la conversion et au renouveau intérieur. Voilà pourquoi, en cette année 2024 qui précède l’Année Sainte, le Pape François n’a pas voulu d’événements spéciaux ou de grandes initiatives d’«approche», mais a uniquement demandé de nous préparer à travers la prière. Une «symphonie de prière», comme il l’a lui-même définie, qui touche les cordes du cœur pour faire retentir un hymne de joie au Seigneur, qui vient sauver l’humanité toujours plus défigurée par les guerres et par la violence. «Quand on ne confesse pas Jésus-Christ — avait-il dit lors de sa première Messe comme Pape, le 14 mars 2013 —, me vient la phrase de Léon Bloy: “Celui qui ne prie pas le Seigneur, prie le diable”. Quand on ne confesse pas Jésus Christ, on confesse la mondanité du diable, la mondanité du démon». Une mondanité à fuir encore plus en cette Année jubilaire qui va bientôt commencer. Un bon exercice de défense est sans doute de se concentrer sur notre cœur, sur son chantier pour construire une maison accueillante aux portes ouvertes. Et le faire avec humilité, conscients que «dans la prière, c’est Dieu qui doit nous convertir, ce n’est pas nous qui devons convertir Dieu».
Les chantiers de l’âme auxquels pense François ne se construisent pas avec des briques ou d’autres matériaux. Ils se construisent avec la prière et parfois aussi avec les larmes des difficultés. Celles des nombreuses personnes qui ne sentent plus la grâce de cette Année qui arrive. Les nombreuses personnes qui, en proie à la tristesse, ont besoin qu’on les prenne dans nos bras, qu’on les regarde, qu’on soit simplement «à leurs côté», ce que seul le cœur humain peut donner. Pas l’intelligence artificielle. C’est avant tout à eux, à ces «vaincus» de notre temps que l’«Eglise hôpital de campagne» doit apporter le remède du Jubilé. C’est à eux qu’elle doit offrir un abri et un réconfort, en leur faisant toucher un pan du manteau du Seigneur. «Tous, tous, tous» parce que, comme l’a écrit François dans sa dernière Encyclique Dilexit nos, nous avons tous besoin de revenir au cœur». Nous tous, pécheurs pardonnés, «miséricordiés», sommes appelés à travailler avec courage et confiance dans les chantiers les plus importants de notre existence: les chantiers du cœur.
Alessandro Gisotti