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Ce que le monde doit à l’Eglise

 Ce que le monde doit à l’Eglise  FRA-001
10 janvier 2025

Scandales d’abus et de violences sexuelles, malversations financières, Inquisition, croisades, guerres de religion, colonisation, condamnations diverses et variées: en ce xxie siècle en Europe, l’Eglise catholique semble ployer sous le poids de son passé et de son présent, entre critiques et auto-critique, dans des sociétés de plus en plus déchristianisées. Historien de l’Eglise et du Vatican, Christophe Dickès, à qui l’Académie française a décerné le prix Millepierres en 2022 pour son étude sur saint Pierre (Perrin), semble avoir pris au mot l’invitation du Pape François dans sa lettre sur le renouvellement de l’étude de l’Histoire de l’Eglise, où il encourageait à «aimer l’Eglise, comme une maman, telle qu’elle est», pour de vrai et non comme s’il s’agissait d’un «fantôme de notre imagination». Dans son dernier livre Pour l’Eglise, ce que le monde lui doit (Perrin, 2024), il ne vénère donc pas les cendres mais évalue le legs de l’Eglise au monde, dans une perspective dynamique, en passant au tamis de l’historien les principaux griefs qui lui sont régulièrement faits... Dix chapitres en tout, répartis en trois thèmes: «Aux origines des sociétés» (sur le rapport au temps, et l’apport à l’éducation, à la science, et au soin des autres), «Aux origines de la politique» (sur la laïcité, la notion d’Europe, la guerre et l’idée de régulation de la souveraineté des nations), «Aux origines de l’humanisme» (à propos des femmes et de la conscience individuelle).

«Nos sociétés contemporaines occidentales, en pleine crise anthropologique, tentent en vain de donner un sens à leur existence, comme si elles étaient conscientes que les désirs individuels et désincarnés, portés à leur paroxysme, les faisaient sombrer dans une nouvelle forme de tyrannie: le tout à l’ego, écrit-il. Si les hommes d’Eglise ont tant marqué notre histoire et la réalité de ce que nous sommes, c’est bien parce que, au-delà de leur propre personne, ils donnaient précisément un sens à leur existence, tout en ayant conscience de leur petitesse dans un récit qui les dépassait. Il serait absurde de prétendre que l’histoire de l’Eglise a été exemplaire, mais nous n’en restons pas moins surpris par cette permanence: le sens guidé par la quête de divin». A la suite d’Yves Congar, il fait sien le mot de saint Bernard selon qui l’Eglise doit être ante et retro occulata, avoir les yeux en avant et en arrière, afin de puiser dans son passé non pas des antiquités à collectionner avec nostalgie, mais une force, un élan vital. Livre d’histoire, Pour l’Eglise est donc également un texte engagé, animé par la conviction que l’histoire de l’Eglise est à l’image de l’ancre qui empêche le bateau de partir à la dérive, mais qui peut aussi se lever, et permettre de naviguer au large.

Charles de Pechpeyrou