Du balcon de Juliette au refuge de Dante

En ce matin de mi-décembre, il fait humide et brumeux à Vérone. Pourtant, au numéro 23 de la Via Cappello, une file de silhouettes s’étire de minute en minute. Ces visiteurs attendent patiemment de découvrir la «Maison de Juliette». C’est grâce à William Shakespeare et sa tragédie Roméo et Juliette que, chaque année, des milliers de personnes s’empressent de visiter cette attraction mondialement connue. Tout y est prévu pour déclarer sa flamme à sa moitié. Les amoureux qui y viennent s’embrassent sur l’emblématique balcon, symbole de l’amour éternel, écrivent le nom de l’être aimé sur un espace prévu à cet effet ou déposent des lettres remplies de mots doux. La pièce de théâtre a valu le surnom de «ville des amoureux» à Vérone, bien que son ambiance romantique se retrouve partout: au cours d’une promenade sur le Pont Scaliger, lors du coucher du soleil qui fait scintiller les eaux de l’Adige, en flânant dans les ruelles pavées du centre-ville ou depuis la colline de San Pietro, qui offre une magnifique vue sur la ville, surtout à l’heure dorée.

Cependant, Vérone est bien plus qu’un décor romantique, c’est une cité de deux mille ans d’histoire, de culture et d’art. A quelques mètres de la maison de Juliette se trouve la plus ancienne place de la ville, la Piazza delle Erbe. Ancien forum romain, cette place riche en monuments historiques constitue aujourd’hui le cœur pulsant de la ville. Elle est entourée de palais ornés de fresques qui abritent des cafés animés. En son centre, une fontaine du xive siècle, surmontée d’une statue de la «Madonna Verona», veille sur les étals du marché.

La place est dominée par la Tour des Lamberti, haute de 84 mètres, qui offre la possibilité d’admirer la ville à 360 degrés. Le sommet peut être atteint par ascenseur ou, pour les plus courageux, en gravissant l’escalier de 368 marches. L’effort en vaut la peine, la vue sur la ville est imprenable. Depuis le sommet, le regard embrasse les principales attractions de la ville, comme la Piazza Bra et son Arène, qui accueille aujourd’hui des opéras ou des concerts, et les multiples campaniles qui s’élèvent et se détachent de l’horizon. Sinueux, l’Adige serpente au milieu de la ville, portant dans ses méandres l’eau pure des Alpes italiennes. Par temps clair, il est même possible d’apercevoir les collines environnantes. Attention toutefois aux cloches, dont le son retentit toutes les trente minutes.

Non loin de là, la Piazza dei Signori, plus solennelle, est bordée de bâtiments qui témoignent du pouvoir de la famille Della Scala, comme le Palazzo della Podestà et la Loggia del Consiglio, avec ses arcades Renaissance, témoins de l’importance de Vérone à cette époque. Au centre de la place, une statue de Dante, érigée en 1865, rend hommage au «suprême poète» qui passa une partie de son exil dans la ville. En effet, Vérone fut son «premier refuge et premier accueil» (Divine Comédie, Paradis, Chant xvii, v. 70) quand il fut chassé de Florence. Accueilli par les seigneurs Della Scala, c’est à l’ombre des armoiries familiales ornées d’une échelle et de l’aigle impérial bicéphale que Dante rédigea une grande partie de son Paradis, qu’il dédia à son hôte, Cangrande i.

A quelques minutes de marche, non loin des rives de l’Adige, s’élève la basilique San Fermo. Parmi les nombreux joyaux historiques de Vérone, elle se distingue par son architecture, composée de deux églises superposées. La partie inférieure, datant de l’époque paléochrétienne, fait plonger dans une atmosphère feutrée. Plus de 70 fresques médiévales, pour la plupart représentant des images votives, y sont conservées. L’église supérieure, édifiée par les Franciscains, est un exemple remarquable de l’architecture gothique. Le plus époustouflant reste son plafond en bois, en carène de bateau renversée, réalisé en 1314, où 416 images de saint y ont été peintes. Les nombreuses œuvres de maîtres locaux témoignent du raffinement artistique de Vérone à cette époque, comme le Mausolée Brenzoni, réalisé par Antonio Pisano, dit Pisanello.

Vérone est une destination qui répond à toutes les attentes, qu’il s’agisse d’une escapade romantique, d’un voyage culturel ou d’un séjour paisible. Ses monuments emblématiques et ses ruelles pittoresques offrent une expérience unique. Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, ses deux mille ans d’histoire sauront ravir les passionnés d’art, d’architecture et de culture.

Marine Gauchard, à Vérone