Méditation

Sommes-nous prêts à espérer?

 Sommes-nous prêts à espérer?  FRA-001
10 janvier 2025

Prieur
de la Communauté œcuménique de Taizé

Comment parler de la paix dans une famille humaine tellement déchirée? Cette question m’habite depuis décembre 2023 quand je suis entré dans le service de prieur que la communauté m’a demandé d’assumer. J’ai vite compris que nous ne pouvons le faire qu’en écoutant la voix des gens qui se trouvent dans une situation de guerre. Sans écouter leur voix, nous risquons de parler dans le vide.

En mai 2023, avec deux de mes frères, nous nous sommes rendus en Ukraine. Notre seul projet était d’écouter les gens, de prier avec eux et d’offrir un signe de solidarité, de leur dire que nous ne les oublions pas.

Même si en beaucoup d’endroits, la vie semble normale, l’inquiétude augmente après presque trois années de guerre. Les sirènes d’alerte se déclenchent régulièrement, il y a des coupures d’électricité et on ne peut que remarquer dans les cimetières les nouvelles tombes qui accueillent des combattants souvent très jeunes. L’hiver apporte une angoisse grandissante.

Cet automne, des frères sont retournés en Ukraine pour vivre en fraternité provisoire. Basés au nord de Kyiv, ils ont parcouru le pays pour être présents auprès de jeunes en différentes villes. Devrions-nous continuer cette présence à l’avenir?

N’oublions pas non plus les autres pays actuellement en situation de guerre. Pour préparer la Lettre 2025 qui sera lue pendant les rencontres de jeunes à Taizé et ailleurs cette année, j’ai voulu écouter des jeunes venant de l’Ukraine, du Liban, de Cisjordanie et du Myanmar. Nous découvrons chez eux une in-croyable résilience. La Lettre porte le titre «Espérer contre toute espérance».

Tant de personnes dans la Bible refusent de se résigner à leur situation. Dans le récit de Matthieu 9.27-31, c’est le cas pour deux aveugles qui montrent une certaine résilience. Ils suivent Jésus en criant vers lui «Prends pitié de nous, fils de David!». Si le Sermon sur la Montagne dans les chapitres 5 à 7 nous donne l’enseignement de Jésus, les chapitres 8 et 9 indiquent comment il agit. Son autorité guérit, se met au service.

Jésus les interpelle: «Croyez-vous que je peux faire cela?». Leur demande de pitié rappelle le v. 13 du même chapitre: Jésus dit que c’est la miséricorde que Dieu veut et non pas les sacrifices rituels. Il pratique ce qu’il a prêché. Les deux montrent déjà une confiance en Jésus, et vivent avec une espérance incroyable. Jésus reconnaît leur foi, se met à leur service et touche leurs yeux. Une guérison devient possible: ils voient de nouveau.

Là où nous ne voyons pas clair, où nous sommes comme aveugles, sommes-nous prêts à laisser le Christ renouveler notre espérance? Oserons-nous lui dire tout ce que nous avons dans notre cœur?

Un jour, chanterons-nous peut‐-être avec Zacharie. Vieillard dans un pays occupé, il s’est réjoui d’une naissance inattendue et l’a célébrée: «Grâce à la tendresse, à l’amour de notre Dieu, l’astre d’en haut vient nous visiter, pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix» (Luc 1, 78‐-79).

Sommes-nous prêts à espérer au-delà de toute espérance?

Frère Matthew